L‘introduction massive du numérique dans la sphère des Sciences Humaines et Sociales (SHS) a conduit à des bouleversements significatifs dans la pratique de la recherche, et à l’apparition de nouveaux paradigmes scientifiques. On peut dire que ce changement est en train de s’opérer à grande échelle au sein des SHS et dont l’effet immédiat est un redécoupage des frontières entre les disciplines scientifiques. L’émergence des sciences de la culture[1], annoncée par F. Eckert au début du 20e siècle, est maintenant effective. Les SHS opèrent de façon analogue aux autres sciences dites dures où l’accumulation de faits observés et leur confrontation mécanique est la routine. Ce nouveau paysage est encore en mouvement et le restera tant que les STIC (Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication) sont elles-mêmes en très forte évolution. La contrainte particulière des SHS par rapport à d’autres disciplines est que son objet d’étude : l’homme et son milieu pris au sens large, sans y ajouter une connotation disciplinaire, nécessite une multitude de dispositifs qui regroupe finalement la multitude des approches en SHS. Dans cette problématique, les STIC sont souvent mises en avant, car elles sont commodes pour réduire, dans de nombreux cas, les diverses facettes des SHS à quelques concepts plus ou moins délimités. Si on cherche à structurer les SHS autour des STIC la question qui revient invariablement est : en quoi les SHS ont-elles besoin des STIC alors que jusque là, il ne leur fallait pas plus qu’un papier et un crayon ? La réponse est rarement considérée comme allant de soi, ou aussi évidente que quand il s’agit de s’imaginer la science de l’univers sans télescope ou la physique quantique sans accélérateur. La question n’est donc pas de savoir de quoi les SHS ont besoin, mais quelles sont les recherches qui ne sont pas possibles sans les STIC.
[1] La principale distinction entre les sciences de la culture et les sciences de la nature réside dans le fait que pour ces dernières, une large partie des phénomènes étudiés est reproductible en laboratoire soit in vitro soit in situ, ce qui est rarement le cas en SHS.